Catégories et normes, opérateurs des rapports et des mondes sociaux

12e université d'été du RéDoc

Comme l'édition 2021, l'Université d'été 2022 se tiendra en distanciel du 15 au 17 juin 2022. Ce format virtuel sera, comme toutes les universités d'été, l'occasion pour tous et toutes, d'où qu'il.elle soit et où qu'il.elle soit, de prendre part à cette formation doctorale favorisant l'apprentissage des connaissances universitaires, de la communication scientifique et la création de liens professionnels dans leur champ de recherche et au- delà. L'Université d'été du RéDoc est ouverte aux doctorant.e.s qui désirent partager leurs recherches avec d'autres doctorant.e.s et des professeur.e.s au travers de trois jours d'ateliers et conférences.

Inscription

Pour vous inscrire et répondre à l’appel à communication explicité ci-dessous, suivez le lien suivant : https://events.unamur.be/event/59/

La date limite pour vous inscrire et répondre à l’appel est le 20 avril 15 mai 2022.

Thématique et argumentaire

Qu’ils soient interpersonnels ou institutionnels, les rapports sociaux (ses contours, sa permanence, ses évolutions) répondent à « des cadres » qu’il est intéressant d’étudier pour en saisir la logique. Ceux-ci se constituent au croisement, d’une part de catégories ou schèmes de pensée, qui inspirent l’action et émergent dans le discours, et d’autre part de normes, qui la contraignent. Celles-ci sont tantôt des normes formelles définies par l’institution, tantôt informelles, issues des pratiques habituelles ou de traditions. Quel que soit son objet ou son domaine d’investigation, la recherche sociologique et en sciences sociales est constamment confrontée à ces catégories et à ces normes et à la question de leur effet sur les rapports sociaux et de leur insertion dans les mondes sociaux. Si l’on prend l’exemple des discriminations, la question des catégories contribue largement à saisir les logiques des pratiques en la matière, mais elle vient toutefois percuter celle des normes juridiques élaborées pour les proscrire.

Les journées du RéDoc invitent donc les travaux des chercheurs doctorants à examiner finement, dans leur domaine de recherche, les catégories (lexique) ou les schèmes (énoncés) qui orientent les rapports et le monde, notamment dans le rapport vis-à-vis des normes, qu’elles viennent prolonger et définir, ou à l’inverse ignorer voire défier. Les sociologues de Chicago et les interactionnistes ont ainsi bien montré comment la déviance résultait davantage d’une transaction entre les catégories ordinaires et des normes institutionnalisées, et non d’une simple transgression constituée comme telle. La conformation aux normes relève d’un processus équivalent : davantage qu’une simple application mécanique, elle répond aux logiques d’un jugement circonstanciel où viennent se combiner références à la règle et catégories de pensée. Les nombreux travaux sociologiques sur les pratiques de guichet, point charnière entre les acteurs institutionnels et les citoyens, illustrent parfaitement le processus, que ce soit du côté des agents ou de celui des bénéficiaires, traduisant la règle dans une rhétorique adaptée à la situation. Des processus de régulation et de production normatives sont ainsi introduits par les agents et les acteurs en toute situation, lorsqu’ils tentent de se coordonner, d’adapter les réponses à certaines singularités des parcours de vie individuels ou de parcours d’action collective, selon les enjeux de l’institution (politiques publiques ou stratégies gestionnaires) ou de la société civile (mouvements sociaux ou collectifs).

Un tel processus de combinaison et d’articulation contribue à définir et stabiliser les répertoires d’action des différents mondes sociaux sur lesquels les sociologues sont amenés à porter leur regard : travail en entreprise, mondes de la culture, secteur de la santé et du social, mondes clandestins, espace familial, acteurs de l’enfance et de l’éducation, enjeux environnementaux ou espaces numériques. L’examen d’un tel processus, où représentations et institutions se confrontent et se combinent, n’ignore pas les rapports de pouvoir ou de domination qui se recomposent, par exemple, au travers de la place prise par des modes d’évaluation centrés sur la dimension gestionnaire. Il constitue en revanche une perspective pour en saisir les conditions de réalisation, dans une logique d’(inter)actions et non seulement de positions.

Sur le plan méthodologique, les exposés issus des travaux doctorants ou des conférenciers pourront interroger les dispositifs rhétoriques des acteurs à l’égard des catégories, leurs usages de terminologies pensées comme médiatrices (« inclusion », « intégration »), leurs jeux stratégiques vis-à-vis de normes juridiques ou de représentations ordinaires et la manière dont les rapports se cristallisent autour de ceux-ci. L’examen des effets de catégories ordinaires ou normatives comme le genre ou la profession, mais aussi le handicap, la pauvreté, la dépendance, l’espace de résidence pour ne citer que ces exemples, non exhaustifs mais simplement illustratifs, permet de saisir comment les mondes et les rapports sociaux se configurent autour d’un système normatif et référentiel. Les travaux présentés pourront aussi souligner la dimension de réflexivité et la responsabilisation de l‘ensemble des acteurs, bénéficiaires, attributaires, citoyens, clients ou encore concepteurs ou politiques. Cela permet ainsi d’interroger comment l’action publique rencontre (ou non) l’action collective de la société civile ? Comment les catégories expertes contribuent à produire de la norme dans le prolongement ou dans la rupture avec les catégories du sens commun ?

Les communications pourront se situer dans plusieurs perspectives d’analyse :

  • Une perspective temporelle, en termes de transitions collectives ou de parcours sociaux individuels. Les collectifs et mondes sociaux (entreprise, institutions, associations, mouvements sociaux, etc.) connaissent des évolutions significatives qui se traduisent dans la rhétorique qui les qualifie et dans les normes dont ils sont porteurs. Les communications pourront interroger comment celles-ci contribuent ou accompagnent ces transitions. Le même type de questionnement s’applique pour les parcours sociaux individuels, qui s’articulent à des désignations ou des injonctions, selon des périodes de la vie (« enfance », « retraite », etc.), des bifurcations, des épreuves imprévues…
  • Une perspective spatiale, en termes de scènes sociales pourra également constituer une perspective heuristique. Qu’il s’agisse des espaces géographiques, sociaux ou institutionnels, publics ou privés, physiques ou virtuels, la manière dont ils sont catégorisés ou régulés contribue à définir les rapports sociaux qui s’y développent, qu’ils soient le produit des sociabilités ordinaires ou des effets politiques ou organisationnels. Ils forment ainsi des instances (« entreprise », « équipe », « réseaux », etc.) qui astreignent les rapports sociaux tout en les autorisant.
  • Une perspective en termes de sociabilité et de socialisation, portant son regard sur les appropriations, les transgressions et toutes les implications des catégories et normes de l’action sociale. Les échanges et interactions ordinaires sont également des instances de catégorisation et de normalisation, souvent informelles quand bien même ils se dérouleraient dans un contexte institutionnel ou organisationnel. Comment désigne-t-on les rôles dans une famille recomposée et quelles conventions relationnelles s’élaborent-elles alors ? Comment les relations entre surveillants et détenus se définissent-elles au-delà des règlements pénitentiaires ? Comment les salariés régulent leur travail autour de jugements interpersonnels ? Pour ne citer que quelques illustrations qui appellent une multiplication des terrains d’investigation.
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